<128> l'armée fût encore entièrement formée. Il se passa bien un gros quart d'heure avant que cette gauche s'engageât avec les Autrichiens.

L'on avait averti le prince de Lorraine à Hausdorf, où il avait son quartier, du feu de canon et des petites armes qu'on entendait : il crut bonnement que c'étaient les Saxons qui attaquaient Striegau, et n'en tint aucun compte; on lui dit enfin que les Saxons étaient en fuite, et que tous les champs en étaient semés; sur quoi, il s'habilla à la hâte, et ordonna à l'armée d'avancer. Les Autrichiens s'avançaient donc à pas comptés dans cette plaine qui est entre le ruisseau de Striegau et les bosquets de Rohnstock, et qui n'est coupée que par des fossés qui séparent les héritages des paysans. Dès que le prince Charles et le prince de Prusse furent à portée des ennemis, ils les chargèrent si vivement, qu'ils plièrent. Les grenadiers des Autrichiens se servirent avec intelligence de ces fossés dont nous avons fait mention, et ils auraient pu mettre de la règle dans leur retraite, si le régiment des gardes ne les eût chassés deux fois, la baïonnette aux reins. Le régiment de Hacke, celui de Bevern et tous ceux qui furent dans le feu, s'y distinguèrent par des actions de valeur. Comme il n'y avait plus d'ennemis devant la droite, le Roi lui fit faire un quart de conversion, pour se porter sur le flanc gauche et à dos des Autrichiens; cette droite brossa dans les bois et dans les marais de Rohnstock, et lorsqu'elle en sortit pour attaquer l'ennemi, la gauche des Prussiens avait déjà gagné un terrain considérable. La cavalerie de cette gauche avait essuyé un contre-temps : à peine Kyau, avec sa brigade de dix escadrons, avait-il passé le pont du ruisseau de Striegau, qu'il se rompit. Kyau prit le parti d'attaquer la cavalerie ennemie avec la sienne; le général de Zieten le joignit avec la réserve, culbuta devant lui tout ce qui voulut lui résister, et donna à M. de Nassau qui commandait cette gauche, le temps de la faire passer à gué. Dès que M. de Nassau eut formé son aile, il donna sur ce qu'il y avait encore de cavalerie ennemie devant lui et la mit en déroute. Le général