<110> ils prenaient en flanc toute l'infanterie qui leur restait opposée; ils auraient dû en même temps faire avancer la cavalerie pour soutenir leurs colonnes ainsi divisées : il est probable que c'en aurait été fait des Français, si les alliés avaient agi ainsi. Mais dans le temps que les alliés voulaient remédier à leur propre confusion, le maréchal de Saxe les fit attaquer par la maison du Roi et par les Irlandais qu'il avait eus en réserve, et il fortifia cette attaque par les décharges de quelques batteries formées à la hâte. Les Anglais se virent ainsi assaillis à leur tour; on les pressa de tous côtés, en front comme sur leurs flancs : après une vigoureuse résistance ils plièrent, se rompirent, et les Français les poursuivirent jusqu'au bois de Barry. Selon l'opinion commune, cette bataille coûta aux alliés dix mille hommes, quelques canons, une partie de leur bagage. Ils se retirèrent par Leuse, sous le canon d'Ath, au camp de Lessines, abandonnant aux Français et le champ de bataille et la ville de Tournai.

Louis XV et le Dauphin se trouvèrent en personne à cette action. On les avait placés auprès d'un moulin à vent qui était en arrière; depuis, les soldats français n'appelaient leur roi que Louis du moulin. Ce qu'il y a de certain, c'est que le lendemain de cette bataille Louis XV dit au Dauphin, en passant sur le champ de bataille tout ensanglanté et couvert de morts : " Vous voyez ici les victimes immolées aux haines politiques, et aux passions de nos ennemis : conservez-en la mémoire, pour ne point vous jouer de la vie de vos sujets, et pour ne point prodiguer leur sang dans des guerres injustes. " Le maréchal de Saxe, que l'hydropisie dont il était attaqué n'avait pas empêché d'agir en général, reçut du Roi les éloges les plus flatteurs; il semblait qu'il s'était arraché aux bras de la mort pour vaincre les ennemis de la France. Le roi de Prusse le félicita sur la gloire dont il venait de se combler, regardant sa victoire comme un engagement qu'il prenait avec le public, qui s'attendait à de plus grandes choses