<95> de Lorraine aurait pu engager une affaire de cette nature avec nous, si, au lieu de marcher à Soor, il avait attendu que nous eussions pris le camp de Trautenau, et qu'il se fût alors campé vis-à-vis de mon armée. La marche de Schatzlar nous aurait bien autrement coûté, et je crois que ce prince y aurait trouvé ses avantages.a On se bat, de plus, pour empêcher la jonction des ennemis. Cette raison est valable; mais un ennemi habile trouvera bien l'art de vous échapper par une marche forcée, ou en occupant un poste de choix. Quelquefois on ne prémédite pas une action, mais on est invité de l'engager par des fautes de l'ennemi, dont il faut profiter pour l'en punir.

J'ajoute à ces maximes que nos guerres doivent être courtes et vives. Il ne nous convient pas du tout de traîner les choses en longueur. Une guerre de durée détruirait insensiblement notre admirable discipline; elle dépeuplerait le pays, et épuiserait nos ressources. Il faut donc que ceux qui commandent des armées prussiennes cherchent prudemment à décider les choses; il ne faut point qu'ils pensent comme le maréchal de Luxembourg, à qui son fils disait dans la guerre d'Italie :b « Il me semble, mon père, que nous pourrions encore prendre une telle ville. - Tais-toi, petit sot, lui répondit le maréchal; veux-tu que nous retournions planter des choux chez nous? » En un mot, pour ce qui regarde les batailles, il faut suivre la maxime du sanhédrin des Hébreux :c I vaut mieux qu'un homme meure que si tout le peuple périssait.d


a Ce qui précède, à partir des mots : « Le prince de Lorraine, » est omis dans la traduction, p. 182.

b Bei einem Kriege in Flandern. (Traduction, p. 183.)

c Évangile selon saint Jean, chap. XI, v. 50.

d La traduction ajoute, p. 184 : Was endlich noch die Art betrifft, einen Feind wegen seiner begangenen Fauten zu strafen, da muss man die Relationes von der Bataille von Seneffe lesen, wo der Prinz von Condé eine Affaire von der Arrieregarde mit dem Prinzen von Oranien oder Fürst Waldeck engagirte, weil dieser negligiret hatte, an der Tête eines Défilé Truppen zu postiren, welches er passiren musste, um seine Arrieregarde an sich zu ziehen. Man lese noch die Relation von der Bataille bei Leuze, so durch den Maréchal Luxembourg gewonnen ward; desgleichen die Relation von der Bataille bei Rocoux, etc.