<9>princes qui sont sollicités par les ennemis, ou on les écrase avant qu'ils puissent joindre leurs forces aux autres; et quant au pays où l'on veut porter la guerre, il est aussi nécessaire d'en avoir une connaissance parfaite qu'il l'est à un homme de connaître l'échiquier, s'il veut jouer aux échecs.

En général, toutes les guerres qui nous éloignent trop de nos frontières ne valent rien, et l'on a vu toutes celles que d'autres nations ont faites de même finir malheureusement. Charles XII vit éclipser sa gloire dans les déserts de Poltawa,a l'empereur Charles VI ne put se maintenir en Espagne,b ni les Français en Bohême.c Tous les projets de campagne qui par conséquent visent à la pointe ne valent rien, et doivent être rejetés comme mauvais.

On forme d'autres projets pour se défendre, et d'autres encore pour attaquer.

Un projet de défensive absolue ne vaut rien; il vous réduit à prendre des camps forts; l'ennemi vous tourne, et, comme vous n'osez pas combattre, vous vous retirez. L'ennemi vous tourne encore, et il se trouve, compte fait, que vous perdez plus de terrain par votre retraite qu'après la perte d'une bataille, et que votre armée se fondra plus considérablement par la désertion qu'après l'action la plus sanglante. Une défensive aussi restreinte que celle que je propose ne vaut rien, car il y a tout à perdre et rien à espérer. Je préférerais donc à cette conduite l'audace d'un général qui risquerait une bataille à propos, car il a tout à espérer, et, dans son malheur même, il lui reste toujours la ressource de la défensive.

Un projet de campagne offensive demande qu'on examine la frontière de l'ennemi, que, après avoir bien discuté sur les points d'at-


a Voyez t. I, p. 135, et t. VII, p. 93-98.

b Voyez t. I, p. 121 et suivantes, 139 et suivantes.

c Voyez t. II, p. 104 et suivantes.