<52>camp ennemi, les paysans, les prêtres, etc., ne peuvent être employés qu'à savoir l'endroit où l'ennemi campe. La plupart de leurs rapports sont si embrouillés et si confus, qu'ils rendent plus incertain qu'on ne le serait dans la plus profonde ignorance. La déposition des déserteurs n'est guère plus instructive; les soldats savent la nouvelle de leur régiment et pas davantage, et les hussards, étant toujours commandés sur les devants de l'armée, ne savent quelquefois pas même où elle campe. Cependant on couche leur déposition par écrit; c'est l'unique moyen d'en tirer quelque parti.

On se sert des espions doubles pour donner de fausses nouvelles aux ennemis. Il y avait un Italien, à Schmiedeberg, qui servait les Autrichiens en cette qualité. Nous lui fîmes si bien accroire que nous nous retirerions à Breslau à l'approche des ennemis, qu'il en assura le prince de Lorraine, et qu'il fut trompé.

Le prince Eugène eut pendant longtemps le maître de poste de Versailles à ses gages. Ce malheureux ouvrait les expéditions de la cour aux généraux, et les envoyait au prince Eugène, qui les recevait avant même ceux qui commandaient les armées françaises. Luxembourg avait gagné un secrétaire du roi Guillaume, qui lui donnait avis de tout; le Roi le découvrit, et tira tout le parti qu'il était possible d'une affaire aussi délicate. Il obligea ce traître de marquer à Luxembourg que les alliés feraient le lendemain un grand fourrage, et les Français pensèrent être surpris à Steenkerke.a Sans des prodiges de valeur, leur armée aurait été totalement défaite. Il est difficile d'avoir de pareils espions, non pas que les Autrichiens ne soient corruptibles comme d'autres, mais à cause que leurs troupes légères, qui les entourent comme un nuage, ne laissent passer personne sans le visiter. Cela m'a fait naître l'idée de corrompre une couple de leurs officiers de hussards, par le moyen desquels la correspondance pourrait s'entretenir, et cela, lorsque les hussards escar-


a Le 3 août 1692.