<18> alors qu'il faut avoir recours à la politique, pour les brouiller entre eux et pour en détacher l'un ou l'autre par des avantages qu'on leur procure. Quant au militaire, il faut alors savoir perdre à propos (qui veut défendre tout ne défendra rien), sacrifier une province à un ennemi, et marcher, en attendant, avec toutes vos forces contre les autres et les obliger à une bataille, faire les derniers efforts pour les détruire, et détacher alors contre les autres. Ces sortes de guerres ruinent les armées par les fatigues et les marches qu'on leur fait faire, et si elles durent, elles prennent pourtant une fin malheureuse.

En général, les projets de campagne doivent être ajustés aux conjonctures des temps, à l'espèce et au nombre d'ennemis que l'on a; il ne faut jamais mépriser l'ennemi dans le cabinet, mais se mettre dans sa place et penser ce qu'on ferait, si on était de lui. Plus on prévoit d'obstacles dans ses desseins, et moins on en trouve ensuite dans l'exécution. En un mot, il faut tout prévoir, sentir les difficultés et les résoudre.

ARTICLE III. DES SUBSISTANCES ET DU COMMISSARIAT.

« Quand on veut bâtir une armée, dit un grand général, il faut commencer par le ventre; c'en est le fondement. »a

Je divise cette matière en deux parties, dont l'une regarde les lieux et la manière d'assembler des magasins, et l'autre les moyens


a Voici comment Frédéric s'exprime dans l'Histoire de mon temps (t. III, p. 85) : « On sait que qui veut bâtir l'édifice d'une armée, doit prendre le ventre pour fondement. » Dans le Palladion (t. XI, p. 196), il dit, d'après Homère : « Le pain fait le soldat. » Voyez aussi t. VII, p. 18 et 89; t. X, p. 301; et ci-dessus, p. 10.