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3. DU MÊME.a

Paris, 19 juillet 1765.



Sire,

M. de Catt me mande qu'il a fait part à Votre Majesté de l'injustice criante que j'éprouve, et à laquelle je n'aurais pas dû m'attendre après tant de travaux et de sacrifices faits à ma patrie. Il ajoute que V. M. l'a chargé de me dire que la place de président de l'Académie est toujours vacante, et qu'elle attend que je vienne la remplir. Je sais, Sire, tout ce que je dois à vos bontés, et la circonstance présente me les rend plus chères et plus précieuses que jamais; mais je prie V. M. de me permettre de lui parler avec franchise et d'entrer avec elle dans des détails que ma situation semble autoriser.

Sire, j'ai quarante-sept ans; ma santé est considérablement altérée et affaiblie; je ne suis presque plus capable de travail. Au dépérissement de mon estomac, qui n'est pas encore rétabli, a succédé une insomnie qui m'interdit toute application; je ne suis plus, grâce au travail et aux chagrins, que l'ombre de moi-même, et je ne dois plus avoir d'autre objet que de traîner avec le moins de douleur qu'il me sera possible le peu de temps peut-être qui me reste à vivre. Pendant le séjour que j'ai eu le bonheur de faire auprès de V. M., et dont le souvenir sera toujours présent à mon cœur, j'ai reconnu, à n'en pouvoir douter, que l'air du pays m'était contraire; j'en ai eu la preuve par des accidents que je n'avais pas connus jusque-là, des maux de tête accompagnés d'étourdissements et de faiblesse dans les jambes, des courbatures et des douleurs de rhumatisme, que j'attribue à la nature de l'air que je respirais, très-différent de celui où je suis né. La première moitié de ma vie a été assez triste et assez tourmentée; dois-je m'exposer à rendre la seconde languissante et douloureuse?


a La réponse de Frédéric à cette lettre est datée du 20 août, et se trouve t. XXIV, p. 438-440.