<331>ler; on croit que les parlements leur diront pour réponse : Il est temps de partir. La philosophie prend la liberté de recommander très-humblement à V. M. leurs confrères de Silésie, qui ont donné de si bons repas aux généraux autrichiens. Elle supplierait aussi V. M., si elle l'osait, de s'intéresser auprès d'un puissant prince de ses amis pour la réédification très-peu édifiante d'un certain temple; mais elle craindrai, d'exposer les constructeurs à être engloutis une seconde fois, et elle ne veut la mort de personne.

M. de Voltaire vient de faire un ouvrage sur la Tolérance,a où il s'efforce de persuader aux chrétiens d'être tolérants, parce que leur religion est intolérable. Je doute que cette manière de les convaincre les rende fort bénévoles. Il faut traiter les dévots comme la sibylle fait Cerbère dans l'Énéide,b leur jeter du gâteau, et non pas des pierres, pour les empêcher d'aboyer. Puisse la philosophie, pour ses intérêts, être bien avec tout le monde, depuis le Grand Turc votre allié jusqu'aux évêques in partibus! Ceux qui la cultivent, et moi en particulier, ont encore quelque chose de mieux à désirer, c'est d'être bien avec leur estomac; il est encore plus difficile de digérer ce qu'on mange que ce qu'on entend dire et ce qu'on voit faire.

Je m'aperçois, Sire, un peu tard, que j'abuse étrangement des bontés et du temps de V. M.; je lui en demande pardon, et je la supplie de recevoir les assurances du profond respect avec lequel je serai toute ma vie,



Sire,

de Votre Majesté
le très-humble et très-obéissant serviteur,
d'Alembert.


a Œuvres de Voltaire, t. XLI, p. 213 et suivantes.

b Livre VI, v. 419 et suivants.