<297> assurer un terrain de trois milles pour qu'elle trouvât de quoi subsister; en second lieu, il fallait la couvrir du côté d'Aurzinowes et de la Sasawa, par où l'ennemi aurait pu envoyer de gros détachements, pour empêcher que les Autrichiens, attaquant les troupes de la bloquade à dos, ne facilitassent à ceux de la ville le moyen de percer, de culbuter un quartier, et de s'échapper ainsi. Or, je ne pouvais point trouver de poste pour l'armée d'observation qui remplît tous ces objets; M. de Daun avait plus de quinze mille hommes de troupes légères; dès que le poste de Kuttenberg se trouvait abandonné, l'armée prussienne à Kaurzim ne pouvait couvrir en même temps son magasin de Nimbourg, qui pouvait être pris l'épée à la main, et la Sasawa; Nimbourg se trouvait à deux milles de notre gauche, et la Sasawa à trois milles à notre droite; l'ennemi pouvait passer cette rivière où bon lui semblait; les collines, les bois et les défilés qui sont aux deux rives de son bord nous en rendaient l'approche difficile et meurtrière, à cause du nombre de pandours qui occupaient la plupart des gorges et des forêts de ses environs.

Ces raisons seules auraient suffi pour résoudre le combat; il y en avait encore de plus importantes. Il ne restait à la maison d'Autriche que l'armée de Daun; cette armée bien battue, la garnison de Prague était prisonnière de guerre, et il était à présumer que la cour de Vienne, se trouvant sans ressources, aurait été forcée de faire la paix. J'avais donc beaucoup plus à gagner qu'à perdre en risquant la bataille. L'exemple de grands généraux, des raisons de guerre qui étaient propres à la situation où je me trouvais, des raisons de politique aussi puissantes, surtout l'espérance de parvenir bientôt à la paix générale, tout enfin me portait à préférer aux résolutions timides le parti le plus généreux.

Le proverbe qui dit que la fortune seconde les audacieuxa est


a Le vieux proverbe, Fortes fortuna adjuvat se trouve dans le Phormion de Térence, acte I, scène IV, vers 26, et dans les Tusculanes de Cicéron, liv. II, chap. 4.