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Je m'arrache de vous, et je reste à moitié.
Accomplissez mes vœux, charmant objet que j'aime;
Que ce lieu pour nous deux soit à jamais le même,
Le vrai temple de l'Amitié.

134. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

(Baireuth) 19 septembre 1743.



Mon très-cher frère,

J'aurais bien de la peine à vous exprimer toutes les passions qui m'agitent; celles de la plus parfaite tendresse, de la plus vive reconnaissance, du regret de votre absence, de l'empressement de vous revoir, se succèdent tour à tour. Je n'aurais jamaisa fini, si je voulais vous les dépeindre, mon très-cher frère; ainsi je me fais violence pour quitter ce sujet et en passer à un autre. Nous avons fait ce que nous avons pu pour calmer la Duchesse, et votre lettre l'a un peu tranquillisée; mais une estafette arrivée hier derechef de la part des princes n'a fait que la confirmer dans ses idées. Elle m'a fait assez remarquer qu'elle serait au désespoir de se brouiller avec vous, et souhaiterait fort que tout se finisse de bonne grâce. J'aurai l'honneur de vous en dire davantage à votre retour ici. Il est bien triste pour vous, mon très-cher frère, que vous ayez toujours à combattre des femmes. Je crains qu'à la fin elles ne vous deviennent odieuses.

Voici une lettre de Voltaire;b il est de la meilleure humeur du monde, et n'aspire, comme nous, qu'après votre retour. Je me ré-


a Le mot jamais est omis dans l'autographe.

b Voyez t. XXII, p. 163.