19. AU MÊME.

Breslau, 5 septembre 1747.



Mon très-cher frère,

J'ai bien cru que le congé de ma sœur fournirait une scène touchante; la sensibilité de son cœur et l'amitié qu'elle a pour ses parents ne permettent pas de faire de pareilles séparations sans douleur et chagrin. Je la crois présentement de retour à Baireuth, où la vue d'un mari, d'une fille, et d'une infinité de personnes qui lui sont attachées, la distrairont des idées fâcheuses d'une séparation douloureuse.

Je suis ici à me tracasser comme une âme maudite. Le gros de mon ouvrage est fini; il s'agit encore de quelques détails militaires<115> qui me restent, de quelques forteresses à examiner, de quelques revues à faire, et d'une centaine de lieues à parcourir. Je m'en suis tiré jusqu'à présent assez bien; mon âme fait aller mon corps, et je compte d'avoir fini toutes mes affaires et d'être avec cela de retour le 16 de ce mois. On ne remarque plus ici la guerre; la récolte abondante a entièrement fermé les plaies qu'avaient faites les incursions des Autrichiens.115-a J'ai trouvé beaucoup d'ouvrage achevé à Glogau; on ne travaille plus à Brieg, Cosel est en état de défense, Neisse achevé, Glatz hors d'insulte, et, l'année qui vient, on travaillera à Schweidnitz.115-b Voici la première et dernière lettre que je vous écrirai; je n'aurai plus d'assiette tranquille, car le reste de mon séjour en Silésie ne sera proprement qu'un voyage continuel. Je vous embrasse de tout mon cœur, mon très-cher frère, vous priant de me croire avec tendresse et amitié, etc.


115-a Voyez t. III, p. 87 et suivantes, 122 et suivantes.

115-b Voyez t. IV, p. 7.