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370. AU MÊME.

Le 22 décembre 1781.



Mon très-cher frère,

Vous avez bien de la bonté de prendre part aux misères de ma santé, dont je vous ai fait l'exposition; ce sont des choses indifférentes en elles-mêmes, qui causent moins ou plus de souffrances aux patients, mais qui agissent selon les lois éternelles de la nature, et auxquelles il faut se soumettre, selon que le lot qui nous est échu le comporte. Vous croyez, mon cher frère, que les rois fainéants de la première race des Mérovingiens n'ont pas si bien gouverné que les autres; mais ne voyez-vous pas que sans eux Charlemagne ne serait jamais devenu empereur, et que la chaîne des événements, voulant élever les Bourbons, pour qu'il y eût des Louis XV et des Louis XVI, exigeait que ces fainéants se trouvassent alors sur le trône des Lis? Tout étant lié, il faut qu'il y ait une majeure pour que la mineure et la conclusion s'ensuivent; et peu importe à l'univers quelle race gouverne un petit royaume ou une petite monarchie comme sont toutes celles qui existent maintenant en Europe, à l'exception de la Russie. Je vous confesse que je ne me suis jamais trouvé en société avec un habitant de Mercure ou de Vénus; personne n'en a vu; toutefois nous pouvons juger par analogie qu'il y a des créatures qui peuplent ces globes-là, car nous voyons notre monde peuplé par Dieu sait quelle ridicule espèce, et il se peut fort bien qu'un globe qui a toutes les propriétés de notre terre connue ait également des habitants. Je ne dis pas que ce sont des hommes comme nous, car nous voyons sur cette terre des espèces d'hommes tout différents les uns des autres; il se peut donc que leur conformation n'ait aucune ressemblance à la nôtre; ils peuvent avoir plus ou moins d'esprit que nous en croyons avoir; peut-être nous sont-ils bien supérieurs, peut-être valent-ils