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357. AU MÊME.

Silberberg, 19 février 1779.



Mon cher frère,

Nous avons hasardé, et nous avons été heureux; nous avons chassé les Autrichiens de presque toute la principauté de Glatz, excepté de Reinerz. Nous occupons Braunau, Habelschwerdt, et nous poussons jusqu'à Politz. L'expédition, à la vérité, ne nous a valu que deux officiers et cinquante prisonniers : mais ces b...... ne tiennent pas, il n'y a pas moyen d'en prendre davantage. Ce n'était pas l'entreprise de M. de Villeroi qui le fit battre à Ramillies, mais la mauvaise disposition qu'il avait faite, tant par le choix du terrain que par rapport à ses bagages, qui se trouvaient entre ses deux lignes. Le mauvais choix du terrain fut également cause que le prince de Lorraine fut battu à Leuthen. Il ne faut pas confondre les choses. Il faut sans doute hasarder quelquefois à la guerre; mais il faut ôter à ce hasard tout ce qu'on peut par la prudence, et, dans la position où se trouve à présent mon armée, si une partie ne veut rien faire du tout, elle donne à l'ennemi le moyen de rassembler des forces supérieures pour opprimer l'autre corps. Voilà mes principes, conformes à ceux de tous les vieux généraux de l'antiquité. Il faut agir, mon cher frère; l'on ne sera pas toujours heureux; mais à la longue, en imitant les Condé, les Turenne, les Eugène, on doit sûrement se promettre plus de succès qu'en suivant l'exemple du duc de Cumberland, qui, entassant retraite sur retraite, s'accula à la fin à Stade, prêt à signer un traité à jamais honteux avec le duc de Richelieu.a La guerre et la mollesse ne vont pas ensemble; mais quiconque n'entreprend rien après avoir bien réfléchi à sa besogne ne sera jamais qu'un pauvre sire. Voilà ce que nous dit l'expérience et l'histoire de toutes les


a Voyez t. IV, p. 130 et suivantes, 162, 163 et 201.