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262. DU PRINCE HENRI.

Berlin, 19 mars 1776.



Mon très-cher frère,

Comme je pars demain matin,a je profite encore du moment qui me reste pour vous supplier, mon très-cher frère, de me conserver votre souvenir; daignez aussi me donner souvent des nouvelles de votre santé. Les vœux que je fais pour votre conservation, et l'intérêt que j'y prends, me causeront des inquiétudes durant le temps des revues et des voyages que vous entreprendrez. Je souhaite que sans incommodités vous puissiez remplir tous les objets que vous vous proposez.

Vous seriez sans doute encore plus éclairé, mon très-cher frère, sur les desseins des Autrichiens, s'il était possible de savoir au juste le nombre de troupes qu'ils rassemblent dans la Gallicie et la Lodomérie; je pense que c'est un corps considérable, et s'il est tel que je l'imagine, on pourrait donner sur cet objet des inquiétudes aux Russes, principalement si je pouvais leur montrer quelques détails sur les forces que les Autrichiens ont rassemblées. Je suis cependant très-convaincu que leur intention n'est nullement d'agir, mais plutôt d'en imposer. Il faudrait qu'ils eussent perdu toute prudence pour se hasarder entre vous, mon très-cher frère, et la Russie, tandis qu'ils ne peuvent s'attendre qu'à de très-faibles secours de la France.

Je vous rends très-humblement grâce, mon très-cher frère, pour le bulletin; la chanson est très-grossière, mais elle prouve que la Reine n'est pas aimée, et c'est un bien. Je voudrais que le roi de France s'en dégoûtât. Tout ce qui peut servir à ce dessein me paraît admirable. D'ailleurs, je crois que si les Français pouvaient trouver un autre allié, ils abandonneraient facilement l'Autriche.


a Le prince partait pour Saint-Pétersbourg, où il arriva le 13 avril.