<379> lieu à une paix stable jusqu'à un nouveau règne. Mais si l'Impératrice ne veut pas suivre mes avis, je crains que tôt ou tard ce feu qui couve sous la cendre n'allume un incendie qui ne devienne un embrasement général de l'Europe. D'ailleurs, je renonce au titre de médiateur, et, pourvu qu'on fasse la paix cet hiver, j'abandonne de bon cœur tout intérêt de vaine gloire, qu'il faut toujours, comme de raison, sacrifier au bien public.a

215. AU MÊME.

Potsdam, 5 novembre 1770.



Mon cher frère,

Je me réjouis de ce que le voyage fatigant que vous avez fait, mon cher frère, n'ait porté aucun préjudice à votre santé. Il est vrai que vous êtes bien récompensé de vos peines en voyant tous les établissements utiles et agréables que l'Impératrice a faits dans sa capitale. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que cette grande ville, dont vous admirez la magnificence et la beauté, n'a pas existé au commencement de ce siècle, et qu'un terrain sauvage était tout ce qu'on trouvait alors où vous voyez maintenant une ville superbe. Cette nation, cultivée, s'est policée avec une rapidité incroyable. Tous ces progrès sont dus à son fondateur et à une suite d'impératrices qui ont adouci à leur cour ce que la nation avait encore conservé de son ancienne férocité. L'impératrice régnante met le comble aux travaux de ses prédécesseurs, et si ses vues vastes et grandes étaient toutes exécutées, la Russie serait dans peu la première nation de l'univers. Pour vous don-


a Ce dernier alinéa est en chiffre dans l'original.