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104. DU PRINCE HENRI.

Hoff, 16 janvier 1762.

Vous avez eu la bonté de me répondre, au sujet de la campagne prochaine, que votre intention était de rassembler toutes vos forces et de les porter toutes d'un côté, lâchant d'écraser une armée pour chercher ensuite l'ennemi d'autre part. Je suis entièrement de votre sentiment, mon très-cher frère, si entre ci et la campagne prochaine aucun événement de la part de vos alliés n'arrive, qui vous tire d'affaire, et que tout secours étranger vous manque, que, alors, tel plan de campagne que vous ferez, il sera toujours également sujet à de grandes vicissitudes, et ne pourra pas, suivant les vues humaines, vous mettre à l'abri de voir la catastrophe la plus triste et la plus malheureuse. La résolution que vous êtes, en ce cas, intentionné de prendre me paraît une des plus désespérées. En assemblant toutes vos forces dans une armée, vous ne pouvez subsister; les provinces abandonnées seront occupées par l'ennemi, et les magasins y établis lui tomberont en partage. Si même ensuite, après quelques succès heureux, on retournait dans l'une ou l'autre province, la misère de tout le pays ne permettrait nulle part de pouvoir se nourrir, et les magasins n'y subsisteraient plus; on serait obligé d'en sortir aussitôt que rentré. L'expérience, d'ailleurs, nous a appris qu'on n'écrase pas sitôt une armée, et, de plus, lorsque avec toutes vos forces vous marcherez vers l'une ou l'autre armée ennemie, celle que vous rechercherez se retirera dans un des postes connus, et qui sont en grand nombre dans toutes les provinces où la guerre s'est faite depuis six ans. Je conviens de tous les inconvénients qui résultent en opposant des armées à toutes les armées ennemies; mais comme il s'agit de périr, il est seulement nécessaire de savoir quelle est la mort la plus lente; et si le terme est éloigné, il donne par conséquent quelque