<231> que la fortune s'attribue un empire que la prévoyance et la valeur ne sauraient lui arracher. Je commence à me remettre; je volerai à vous sur les ailes de l'amour de la patrie et du devoir; mais vous ne verrez arriver qu'un squelette rempli de bonne volonté. Mon âme fera aller mon corps cacochyme et faible; toutefois je ferai tout ce que le peu de forces que j'ai me permettront d'entreprendre. Vous recevrez encore une lettre avant mon arrivée. L'avant-garde de Hülsen est aujourd'hui à Spremberg; dans quatre jours il sera à une marche de Torgau. Je vous embrasse.

72. AU MÊME.

Glogau, 5 novembre 1759.

.... Je partirai d'ici après-demain, et j'aime mieux me rendre estropié et boiteux à mon devoir que d'y manquer. Je me flatte de ne vous plus trouver à Torgau, mais d'être obligé de vous suivre. Vous pourrez désormais envoyer les courriers par la Lusace, où tout sera tranquille pour un temps, et où le grand corps avec lequel je marche imprimera de l'attention à l'ennemi. Je me souviens de Philippe II, auquel ses généraux écrivirent de ne point venir dans l'armée comme un bagage à charge, mais pour y être utile. Je mène au moins un renfort avec moi, pour que personne n'ait à se plaindre. Je vous embrasse de tout mon cœur.