14. AU BARON DE GRIMM.

Potsdam, 16 décembre 1783.

Je vous suis fort obligé des soins que vous avez pris pour empêcher que ma correspondance avec d'Alembert ne fût imprimée. Plusieurs raisons me l'ont fait désirer; car premièrement cela n'en aurait pas valu la peine, et secondement la réputation de M. d'Alembert est si bien établie, qu'elle n'a aucunement besoin ni de mon appui, ni de mon suffrage. Cependant je vous avoue qu'il est bien triste de voir toutes les personnes que j'avais estimées mourir les unes après les autres; et cela est d'autant plus fâcheux, qu'il ne dépend pas de moi de mourir, ni de voir mourir les autres. Tout cela n'est qu'une suite du jeu des causes secondes, qui, par leurs combinaisons différentes, amènent tous les événements terribles. Il est vrai que j'ai fait ériger des monuments à Algarotti389-a et à d'Argens,389-a que j'avais beaucoup<390> aimés, et qui avaient vécu longtemps chez moi; et je suis encore en reste d'un cénotaphe que je m'étais proposé de faire élever, en Prusse, à l'honneur de Copernic.390-a Du reste, si la littérature française offre quelque chose de curieux, vous me ferez plaisir de m'en faire part, sans toucher à la classe des littérateurs subalternes, dont je n'aime guère à m'occuper. Sur ce, je prie Dieu, etc.


389-a Voyez t. XVIII, p. 11 et 148; t. XIX, p. 11 et 482; et ci-dessus, p. 36, 37 et 39.

390-a Voyez t. VII, p. 135; t. IX, p. 206; t. XXI, p. 219; t. XXIII, p. 254, 282, 283 et 302; et ci-dessus, p. 87. Le 25 octobre 1853, on a inauguré à Thorn le monument qui a été élevé en l'honneur de Nicolas Copernic, et dont nous avons fait mention t. XXIII, p. 283.