198. DU MÊME.

Paris, 31 mars 1778.



Sire,

Votre Majesté m'a tellement accoutumé depuis longtemps aux marques de sa bienveillance, que j'ose prendre la liberté de les lui<111> demander en ce moment pour un sujet qui en est vraiment digne, et à qui elle les accordera pour lui-même dès qu'elle l'aura connu. M. le vicomte d'Houdetot, ancien colonel, et lieutenant de gendarmerie, qui aura l'honneur de présenter cette lettre à V. M., est un jeune militaire d'une naissance distinguée, plein d'honneur, de courage et d'amour pour son métier, qui voyage pour s'en instruire, et qui certainement, Sire, ne peut mieux remplir un si louable objet qu'à l'excellente école dont vous êtes l'instituteur, le chef et le modèle. A ces titres pour mériter vos bontés, M. le vicomte d'Houdetot en joint un autre, bien fait pour toucher le cœur sensible de V. M. : c'est d'appartenir à une mère vraiment respectable, pleine d'esprit, d'âme et de vertu, et digne, j'ose le dire, d'éprouver elle-même vos bontés en la personne de son fils, par les sentiments d'admiration et de respect dont elle est pénétrée pour V. M., sentiments dont elle aime à s'entretenir, dont j'ai été souvent le témoin, et qu'elle n'a cessé d'inspirer à ce même fils. J'ose donc, Sire, supplier V. M. avec la plus vive instance de vouloir bien permettre à M. le vicomte d'Houdetot d'approcher d'elle, de la voir et de l'entendre quelques moments, et surtout d'être témoin sous ses auspices de ces admirables manœuvres qui font l'étonnement de l'Europe, et qui sont un objet si intéressant pour un jeune officier avide de s'instruire. M. le vicomte d'Houdetot conservera, Sire, un souvenir éternel de la grâce signalée que V. M. aura bien voulu lui faire en lui accordant cette permission. Mais ce qu'il n'oubliera surtout jamais, ce sera, Sire, le bonheur dont il aura joui, et qui est en ce moment si désiré de tant d'autres, d'avoir vu V. M. dans l'époque la plus brillante peut-être d'un règne qui en a déjà de si glorieuses, dans ce moment si remarquable où vous jouez, Sire, aux yeux de toute l'Europe, le rôle vraiment digne de vous de défenseur de l'Allemagne et de protecteur du corps germanique, le même rôle que joua autrefois avec tant d'éclat ce grand Gustave-Adolphe à qui V. M. succède, et dont elle effacera<112> la gloire. La renommée, Sire, nous annonce avec les plus grands éloges un écrit plein de force et de dignité que V. M. vient de publier sur la situation présente de l'Empire.112-a Nous n'avons point encore lu en France cet écrit si digne de vous, mais nous désirons ardemment de le lire, étant accoutumés depuis longtemps à admirer également V. M. et dans ce qu'elle fait, et dans ce qu'elle écrit.

Je suis avec le plus profond respect, et avec des sentiments d'admiration et de reconnaissance que je conserverai jusqu'au tombeau, etc.


112-a D'Alembert veut parler des Considérations sur le droit de la succession de Bavière. Février 1778. Voyez le Recueil des déductions, etc., publié par le comte de Hertzberg, t. II, p. 1-24.