<374> attendant, il s'amuse à lui dépenser son argent à Paris et à Rome tant qu'il peut, et il ne laisse pas, en antiques, tableaux et autres inutilités, d'être un homme très-cher pour la Russie.

M. d'Alembert m'a remis un écrit du Marc-Aurèle moderne sur la littérature de sa patrie,a et j'ai reçu ce don royal avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance. Marc-Aurèle Frédéric avait, entre autres, aussi cela de commun avec Marc-Aurèle Antonin, que celui-ci dédaignait d'écrire en latin, et écrivait en grec, comme l'autre dédaigne d'écrire dans sa langue, et a adopté de préférence l'idiome des Racine et des Voltaire. Les Allemands disent que les dons qu'il leur annonce et promet leur sont déjà en grande partie arrivés; que la langue allemande n'est plus ce jargon barbare qu'on écrivait il y a cinquante ou soixante ans, dur, diffus, embarrassé; qu'elle a pris de l'harmonie et du nombre, de la précision et de l'énergie; que, étant par elle-même d'une très-grande richesse, elle a pris en peu de temps toutes les formes désirables. Quant à moi, exilé de ma patrie depuis ma première jeunesse, n'ayant presque aucun temps, depuis nombre d'années, à donner à la lecture, je ne suis pas en état de juger ce procès; mais il est vrai que toutes les fois que j'ai traversé l'Allemagne, on m'a montré des morceaux parfaitement bien écrits, et je n'y ai plus retrouvé l'ancien jargon tudesque, d'où j'ai conclu qu'il était arrivé une grande révolution en Allemagne dans les esprits. Cela m'a paru assez simple. Un pays qui a donné dans un siècle Frédéric et Catherine m'a paru le premier pays de ce siècle; et comme la nature opère tout par contagion, il m'a paru que l'apparition de ces deux phénomènes n'a pu rester isolée, et a dû avoir les suites les plus étendues, quoique aucun souverain n'ait songé à les encourager. Ce qui m'a surtout touché dans l'écrit de Marc-Aurèle, c'est la sollicitude qu'on remarque à chaque page pour l'amélioration des études. On dit que même à cet égard il est arrivé une grande


a Voyez ci-dessus, p. 191 et 192.