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160. DE D'ALEMBERT.

Paris, 13 août 1775.



Sire,

M. de Voltaire vient de m'écrire, pénétré de reconnaissance des bontés de V. M. pour M. d'Étallonde Morival, et de la grâce que vous venez d'accorder à ce jeune homme, si cruellement et si bêtement persécuté par les fanatiques du pays des Velches. La protection, Sire, que vous accordez à M. d'Étallonde est digne du génie et de l'âme de V. M., et sera la honte éternelle des barbares absurdes qui n'ont pas rougi de le condamner à perdre la tête pour n'avoir pas salué une procession de capucins. M. de Voltaire, et tous ceux qui ont vu ce jeune homme à Ferney, assurent qu'il est bien digne des bontés de V. M. par la noblesse de ses sentiments, par la douceur de son caractère et de ses mœurs, et par son application à s'instruire. J'espère que M. d'Étallonde, par l'usage qu'il fera de ses connaissances et de ses talents au service de V. M., répondra aux bontés et à la protection dont elle l'honore. Je prends la liberté de lui en demander la continuation pour ce jeune homme, innocente victime de la plus atroce et de la plus absurde superstition. C'est à César à réparer les sottises des druides et de leurs agents, et c'est à lui à donner tout à la fois à son siècle des leçons de guerre, de paix, de philosophie, d'humanité et de justice. Recevez donc, Sire, par ma faible voix, les très-humbles remercîments de tous les hommes honnêtes et éclairés pour ce que vous voulez bien faire en faveur de ce jeune homme, et pour l'opprobre dont vous couvrez en ce moment la superstition et le fanatisme.

Je suis avec le plus profond respect, la plus vive admiration, et la plus sincère reconnaissance, etc.