<208> pour leurs prétendues perfections leur cause les regrets les plus ridicules sur la perte de quelques qualités passagères de leur être, et ils ne se rappellent pas qu'ils n'étaient rien dans le siècle passé, et qu'ils seront réduits à rien dans le siècle futur. Les vieillards pourraient bien encore trouver des sujets de consolation en se rappelant que l'on n'a de vrais amis que ses contemporains, et que ce bien inestimable du sage est perdu pour lui, s'il pousse sa carrière à la seconde ou à la troisième génération. La façon de penser, celle d'agir, si différente, ne s'assimilent point; ils se trouvent donc isolés dans la société, comme on trouve dans les taillis quelques vieux chênes qui ont résisté aux injures du temps, et dont la cime desséchée et flétrie domine de beaucoup au-dessus du sommet des jeunes arbres. Mais ces réflexions, quoiqu'elles ne m'affectent pas, paraîtront peut-être trop sombres pour un philosophe qui vit au centre des Sybarites de la Seine.

Je passe donc à des sujets plus gais. Ce César Joseph, dont vous faites mention, me fortifie et me corrobore dans le penchant que j'ai pour la secte acataleptique; les uns le disent à Bruxelles, les autres à Paris, et je vous répondrai comme madame de Sévigné : Je ne crois ni l'un ni l'autre. Ce prince fait trembler tous les moines et les riches abbés de ses États. On prétend qu'il hait les parjures, et qu'il réduira exactement ces messieurs à l'observance du vœu de pauvreté qu'ils ont fait. Voyez-vous, ce sont là des biens que la guerre opère dans la chrétienté. Cette guerre coûte des sommes immenses; les princes empruntent; une nouvelle guerre, de nouvelles dettes; il faut les payer, les ressources manquent. Que faire? Il ne reste qu'à dépouiller le clergé de ses richesses, et la nécessité contraint les monarques à recourir à ce seul expédient qui leur reste. Si notre Calvin était témoin de ces événements, voici ce qu'il dirait : Admirez, mes frères, les voies impénétrables de la Providence; l'Être des êtres, qui abhorre l'horrible et sacrilége superstition dans laquelle l'Église se trouve