185. A LA MÊME.

3 janvier 1775.



Madame ma sœur,

Votre Altesse Royale est si familiarisée avec les Muses, que ces filles de Mémoire sont attachées à sa suite comme les Grâces à celle de Vénus. C'est vous, madame, que les chastes Sœurs doivent célébrer dans leurs chants, puisque V. A. R. ne se contente pas de les protéger, mais les surpasse encore; car j'ose croire que Polymnie n'aurait jamais composé d'opéra aussi beau que certain opéra dont j'ai entendu des airs qui peuvent passer pour classiques. Pour moi, madame, placé par mon sort au rang de ceux qui doivent admirer les divinités de loin, j'offre, confondu dans la foule vulgaire, mon encens à Calliope-Antoinette-Melpomène-Polymnie, et à tous ces immortels habitants du Pinde. Si les regards de ces divinités daignent quelquefois s'abaisser vers moi, je leur en rends de sincères actions de grâces, en reconnaissant mon néant et la distance immense qui m'abaisse devant elles. Je ne m'étonne pas que V. A. R. recouvre entièrement sa santé; sans doute qu'Apollon, qui est aussi dieu de la médecine, aurait mauvaise grâce à ne pas exercer son art pour affermir les jours précieux de sa généreuse protectrice. Son fils Esculape et toute sa bande seront accourus à Munich, au secours de V. A. R.; ils y étaient trop intéressés pour manquer à leur devoir. C'est nous autres qui avons à craindre que V. A. R., lasse de vivre avec les<305> hommes, ne les quitte pour se rejoindre aux dieux; mais nous ferons, madame, tous les efforts que nous pourrons pour vous retenir. Mes vœux, mes souhaits, mes ardentes prières seront que V. A. R., comblée de toutes les prospérités désirables et d'une santé intarissable, trouve tant de contentement dans ce monde, qu'elle n'ait aucun lieu de se hâter de quitter ce séjour des mortels. C'est avec ces sentiments et ceux de la plus haute considération que je suis, etc.