116. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 7 octobre 1769.



Madame ma sœur,

Votre Altesse Royale met le comble à mes vœux en daignant réaliser une idée que j'avais toujours envisagée comme une idée consolante, une heureuse illusion qui pouvait rendre souffrable l'éloignement où j'ai été obligé de vivre de votre personne auguste. Vous ressemblez en tout, madame, aux dieux, qui ne font rien à demi, et qui exaucent quelquefois les vœux des humains, lorsqu'ils voient que leur adoration part d'un cœur sincère et d'une entière résignation à leur volonté. Nous verrons donc ici cette électrice admirable, et nous posséderons (quoique pour peu de temps) celle dont l'univers entier nous enviera la possession. Pardonnez, madame, à mon ivresse; on ne se possède pas dans des moments d'un plaisir vivement senti; je ne puis plus mesurer scrupuleusement mes termes; je suis dans ce premier enthousiasme de ravissement où l'expression du sentiment l'emporte,<199> et fait oublier la retenue qu'on doit à votre extrême modestie. Mais comment reconnaître, madame, un tel bienfait? et quelle ressource me reste-t-il pour vous rendre la millième partie des faveurs que vous répandez sur moi? La haute considération et l'estime infinie que j'ai pour votre personne ne sauraient s'accroître; je ne puis donc renouveler à V. A. R. que la continuation de ces sentiments d'admiration qui ne finiront qu'avec ma vie, étant, etc.