44. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Pillnitz, 12 juillet 1765.



Sire,

Si j'ai félicité Votre Majesté de son attaque de goutte comme d'un bénéfice, c'est que vos courses et vos soins infatigables m'ont trompée. Comment aurais-je imaginé que le mal eût été si sérieux? Quand il va jusqu'à ce point, je ne me pique point assez de fermeté pour en badiner, et j'ai toujours trouvé ridicule la fanfaronnade de cet ancien philosophe97-a qui s'écriait en faisant la grimace : Douleur, tu as beau faire, je ne confesserai jamais que tu sois un mal! Il est bien plus vrai, et par conséquent plus philosophique, de dire comme V. M. : Je me résigne, et je porte mon mal en patience. Avec cela, Sire, vous n'êtes point tant à plaindre. Puissiez-vous cependant n'avoir pas trop d'occasions de mettre en usage cette heureuse et louable fermeté! Faites cultiver des jardins et des esprits, et goûtez-en longtemps les productions agréables. Pour moi, Sire, je me proposerai toujours<98> votre amitié comme le plus précieux fruit des sentiments sincères et de la haute considération avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.


97-a Posidonius de Rhodes. Voyez t. XIX, p. 108 et 109, et t. XXIII, p. 177.