29. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 21 septembre 1764.



Sire,

Je dois depuis longtemps une réponse à Votre Majesté; mais je ne voulais pas la lui faire parvenir au milieu de ses occupations militaires. Je vous aime mieux, Sire, à Sans-Souci que dans un camp, et vous m'y donnerez plus aisément quelques minutes d'un temps toujours employé. Je n'en ferai point perdre à V. M. par des recherches théologiques. Mais je ne puis m'empêcher de lui dire que je ne trouve guère en moi ce précieux sentiment de liberté; ma volonté, au contraire, est fort gênée. La vôtre, Sire, et celle de tous les grands potentats, est plus libre. Vous forcez les destinées, et, quoi qu'en dise votre modestie, vous ne bornez pas votre art à saisir les occasions; vous savez les faire naître. J'accepte, Sire, si vous voulez y aider un peu, l'augure que vous me présentez; mais ce n'est pas pour moi-même. Fussé-je papesse, je vous dispenserais de me baiser les pieds; mais je ne vous dispense point de tendre la main à quelqu'un qui m'est cher.

Je vous dois, Sire, des actions de grâce bien particulières pour le compliment flatteur que le prince héréditaire de Brunswic m'a fait de votre part, et j'étais dans une vive impatience de vous dire à quel<79> point j'y ai été sensible. Ce prince, que j'ai vu ici avec bien du plaisir, m'a paru digne de sa réputation. S'il a bien peint à V. M. mes sentiments pour elle, je lui en aurai une obligation éternelle. Il vous convaincra, Sire, que je suis avec autant de sincérité que d'attachement, etc.