<615> chez l'évêque de Kioviea est-elle une vérité historique, ou une fiction seulement vraisemblable et assortie aux sentiments du prélat, fiction semblable à celles que les poëtes se permettent? Je connais quelques philosophes qui ont pris en pitié ces pauvres confédérés, qu'ils croient bonnement ne combattre que pour la liberté de leur pays; s'ils savaient que le prélat, un de leurs chefs, a pour toute bibliothèque un tel tableau, je ne doute point qu'ils ne dissent alors, comme cet ami de la Brinvilliersb à qui on apprenait qu'elle avait empoisonné son père : Si cela est, j'en rabats beaucoup. Quoi qu'il en soit, je désire fort, Sire, et avec la plus grande impatience, de voir la suite de ce poëme; je prie V. M. de vouloir bien ne m'en pas priver; mais je désirerais surtout que le dernier chant eût pour titre : La paix donnée par Frédéric le Grand aux confédérés et aux dissidents, aux Turcs et aux Russes, à l'Europe et à l'Asie. V. M. ressemblerait à ce juge qui faisait venir devant lui les parties, commençait par se moquer de leur querelle, et finissait par les faire embrasser et les renvoyer contentes.

Voilà, Sire, ce que l'humanité espère de vous; cette besogne, toute difficile qu'elle est peut-être, l'est peut-être encore moins que le rétablissement de nos finances, délabrées par trente ans de guerres, de rapines et d'opérations ruineuses. Le délabrement n'est guère moindre dans notre pauvre république des lettres, et je suis bien fâché que V. M. ait raison dans les torts dont elle accuse mes confrères. Je voudrais que les réflexions si justes et si sages que V. M. me fait l'honneur de m'écrire à ce sujet fussent imprimées et affichées à la porte de tous les gens de lettres. J'ai tâché, du moins pour ce qui concerne mon petit individu, de conformer, autant que j'ai pu, ma conduite à des principes si vrais et si sûrs, et de mériter par là les bontés dont V. M. m'a honoré.


a Voyez t. XIV, p. 228.

b L. c., p. 196.