<599> lui en fournit quelque sujet; je ne sais ce qui résultera de bien ou de mal de tout ce qui se passe ici; mais je serai fort tranquillisé, si la prophétie de V. M. s'accomplit au sujet de la vermine jésuitique, et si l'État, la philosophie et les lettres n'ont pas le malheur de les voir reparaître. Un autre article non moins important m'intéresse; tout ce qui se passe me serait assez indifférent,

Si de quelque argent frais nous avions le secours,

comme dit Crispin dans la comédie.a Mais je crains qu'il ne soit encore plus difficile de rappeler l'argent dans nos bourses que les jésuites dans le royaume. Pour moi, Sire, je ne subsiste depuis six mois que des bienfaits de V. M., et au lieu de dire Benedicite, en me mettant à table tous les jours, je dis : Dieu conserve Frédéric. Il faut avouer que quand on voit la manière admirable dont ce meilleur des mondes possibles est gouverné, on est bien tenté de croire à la Providence. Encore si en faisant diète on se redonnait un estomac, et qu'on rattrapât le sommeil, il n'y aurait que demi-mal; mais je suis destiné à passer des jours et des nuits presque également tristes; il faut céder et se soumettre à la nature. Ce qu'il y a de certain, c'est que, soit en pensant, soit en végétant, soit en dînant, soit en jeûnant, soit en dormant, soit en veillant, il est un sentiment qui ne dort jamais au fond de mon cœur : c'est celui de la reconnaissance éternelle que je dois à V. M., de l'admiration qu'elle m'inspire et qui se renouvelle sans cesse, et du profond respect avec lequel lui sera dévoué toute sa vie, etc.


a Les Folies amoureuses, par Regnard, acte II, scène VII.