<578> ou mal élevé, entre un novice qui entre dans le monde et un autre qui a de l'expérience! Or, s'il y avait une nécessité absolue, personne ne pourrait se corriger; les défauts resteraient invariablement les mêmes, les exhortations seraient vaines, et l'expérience ne corrigerait ni les imprudents ni les étourdis. J'ose donc soupçonner quelque contradiction dans ce système de la fatalité; car, si on l'admet à la rigueur, il faut regarder comme superflues et inutiles les lois, l'éducation, les peines et les récompenses. Si tout est nécessaire, rien ne peut changer. Mais mon expérience me prouve que l'éducation fait beaucoup sur les hommes, qu'on peut les corriger, qu'on peut les encourager, et je m'aperçois de jour en jour davantage que les peines et les récompenses sont comme les remparts de la société. Je ne saurais donc admettre une opinion contraire aux vérités de l'expérience, vérités si palpables, que ceux même qui embrassent le système de la fatalité le contredisent continuellement, tant dans leur vie privée que par leurs actions publiques. Or, que devient un système qui ne nous ferait faire que des sottises, si nous nous y conformions au pied de la lettre?

Nous voici à la religion, et j'ose me flatter que vous me prenez pour juge impartial sur cette matière. Je pense qu'un philosophe qui s'aviserait d'enseigner au peuple une religion simple courrait risque d'être lapidé. S'il trouvait quelque esprit tout neuf, quelque Américain non prévenu en faveur d'un culte, il pourrait peut-être lui persuader de préférer une religion raisonnable à celles que tant de fables ont dégradées; mais en supposant même qu'on parvînt à propager la religion des Socrate et des Cicéron dans quelque province, sa pureté serait dans peu souillée par quelques superstitions. Les hommes veulent des objets qui frappent leurs sens, et qui nourrissent leur imagination. Nous le voyons chez les protestants, qui, se trouvant attachés à un culte trop nu, trop simple, se font souvent catholiques pour l'amour des fêtes, des cérémonies et des beaux mo-