<536> avantages, est plus intéressée qu'une autre à en observer les lois écrites et non écrites.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

75. A D'ALEMBERT.

17 mai 1770.

Je vous suis très-obligé de la part que vous prenez à ma santé. L'enchaînement nécessaire des causes a voulu que l'âcreté amassée dans mon sang fût le principe de la goutte, qui m'a fait beaucoup souffrir; mais je me suis conformé à la volonté irrévocable de la nature. J'ai eu recours au régime comme à la patience, et me voilà guéri.

Durant ma convalescence, le premier livre qui m'est tombé entre les mains est l'Essai sur les préjugés; il m'a tiré de l'inertie où me tenaient mes forces perdues; et comme sur bien des sujets je pense en raison inverse du soi-disant philosophe qui en est l'auteur, j'ai employé toute l'énergie de mon organisation pour en relever les fautes. J'ai éprouvé des mouvements répulsifs aux sentiments de l'auteur, qui prétend que, la vérité étant faite pour l'homme, il faut en tout temps la lui dire. Aussi souvent que l'auteur dit des injures aux rois, aux généraux, aux poëtes, ses idées n'ont pu s'identifier avec les miennes, parce que j'ai l'honneur d'être assez mauvais poëte (ou empoisonneur public), parce que j'ai eu l'honneur de me battre quelquefois en qualité de général (ou de bourreau mercenaire),a parce que j'ai l'honneur d'être une espèce de roi (ou de tyran barbare). Ces considérations, assimilées à ma façon de penser, et selon l'idée


a Voyez t. IX, p. 160 et 161; t. XIV, p. 293; et t. XXIII, p. 176.