<524> verra que j'y indique comme la source de la morale et du bonheur la liaison intime de notre véritable intérêt avec l'accomplissement de nos devoirs, et que je regarde l'amour éclairé de nous-mêmes comme le principe de tout sacrifice moral. Il est vrai, Sire, que je n'ai presque fait qu'indiquer ces vérités, que V. M. développe si bien dans son ouvrage, avec la plus saine et la plus éloquente philosophie.a

Un seul point, Sire, m'a toujours embarrassé pour rendre absolument universel et sans restriction ce principe de la morale; c'est de savoir si ceux qui n'ont rien, qui donnent tout à la société, et à qui la société refuse tout, qui peuvent à peine nourrir de leur travail une famille nombreuse, ou même qui n'ont pas de quoi la nourrir, si ces hommes, dis-je, peuvent avoir d'autre principe de morale que la loi, et comment on pourrait leur persuader que leur véritable intérêt est d'être vertueux, dans le cas où ils pourraient impunément ne l'être pas. Si j'avais trouvé à cette question une solution satisfaisante, il y a longtemps que j'aurais donné mon catéchisme de morale.

Je voudrais bien être en état de répondre plus au long à V. M.; mais, depuis trois semaines, des vertiges fréquents m'ont causé une faiblesse de tête qui m'interdit toute application, et me permet à peine de tenir la plume. V. M. fait d'excellents mémoires, tandis que son auguste famille fait des enfants; je ne puis, moi, faire ni l'un ni l'autre, grâce au détraquement de ma pauvre machine. Mais ce qui ne s'affaiblira jamais en moi, Sire, ce sont les sentiments d'admiration, de vive reconnaissance et de très-profond respect avec lesquels je serai toute ma vie, etc.


a Voyez t. XXIII, p. 169.