<495> règne. Pour moi, je me contenterai de crier partout : Si vous l'attrapez, ne le pendez pas, messieurs! Vos astronomes de Versailles diront que le satellite descend sur terre pour subjuguer la Corse, dont les généraux et les armées de Louis XV ne peuvent venir à bout. Enfin il résulte de toutes ces conjectures que Saturne va nous tailler de la besogne dans le courant de cette année.

Tout vieux que je suis, j'ai lu l'A, B, C de Voltaire, et je vous réponds qu'il ne connaît ni n'entend l'A, B, C de Hugo Grotius, que probablement il n'a jamais lu Hobbes non plus; cela est pédant, parce que cela est profond. Le jugement qu'il porte de Montesquieu est mieux tapé que le reste. Je crains qu'il n'ait raison. Le reste de l'ouvrage contient des facéties et des légèretés répandues à sa manière. Il croit le monde éternel, et il en apporte les plus faibles raisons; il voudrait bien douter de Dieu, mais il craint le fagot. Ce qu'il dit de mieux, c'est qu'il veut que les rois, au lieu de mettre leurs armées aux prises, se battent eux-mêmes. Comme Voltaire n'a point d'armée, j'aurais envie de lui envoyer un coutelas bien affilé, pour qu'il vide son différend avec Fréron; je voudrais les voir s'escrimer en champ clos; cela vaudrait, à tout prendre, mieux que les injures qu'ils se disent. Depuis un an, je n'ai rien reçu de Voltaire.

Pour le cher Isaac,a il s'est mis à la moutarde de Dijon, qui vaut peut-être autant que les eaux d'Aix; je ne sais quand il arrivera chez lui, ni quand il reviendra; peut-être se fera-t-il historiographe du satellite de Saturne, pour nous en donner l'itinéraire et les aventures.

Écrivez-moi quand l'envie vous en prendra; toutefois ne trouvez pas étrange que les réponses ne vous arrivent pas promptement. Ces maudits alliés de votre vice-Dieu nous donnent de l'occupation; quand la maison de notre voisin brûle, notre premier soin doit être de préserver la nôtre de l'incendie qui la menace, etc.


a Le marquis d'Argens. Voyez t. XIX, p. 443.