<350> fait l'honneur de m'écrire. J'en ai toujours un besoin extrême quand je songe que c'est à Frédéric que je réponds. Mais, malgré la confiance que vos bontés m'inspirent, j'ai dû jusqu'ici respecter des moments remplis par des travaux illustres. Aujourd'hui que les quartiers d'hiver vous laissent un peu plus de loisir, j'en profite, Sire, pour vous renouveler mon hommage. J'ai bien lu et admiré cette belle lettre du 1er mai, et j'ai tâché de suivre ses profondeurs comme j'ai pu. Mais quand vous dites que nous ne sommes que des marionnettes dirigées, sans trop le savoir, à un certain but, permettez-moi de douter un peu d'un système que vos actions ont tant réfuté. Quoi! Sire, tout ce que vous avez fait de grand, de beau, de sublime, ne serait que l'effet d'une impulsion étrangère qui vous aurait entraîné malgré vous-même! Non sans doute, je ne puis le croire. Quelque subtil que soit mon raisonnement, quelque juste qu'il semble être, il a certainement tort, dès qu'il vous en fait.

Je profite aussi souvent que je puis, et jamais assez souvent à mon gré, du bonheur que nous avons de posséder le prince Henri.a Il est, comme il l'a toujours été,b aussi aimable pour ses amis que redoutable à vos ennemis et cher au genre humain. Je vois quelquefois le prince de Brunswic, plein de mérite et de connaissances; lui et le prince de Würtemberg sont venus me voir plusieurs fois, et me font bien regretter que leurs quartiers ne les fixent pas ici, car leur société est bien agréable. Dresde, au reste, est on ne peut pas mieux gardé en ce moment-ci. Le régiment du Prince héréditaire surtout est une des plus belles troupes qu'on puisse voir. Je ne sais si cet éloge, dans la bouche d'une femme, flattera beaucoup son illustre chef; mais nous avons des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. D'ailleurs, Sire, je ne puis, en tout ce qui vous appartient, méconnaître l'influence du génie unique qui préside au tout. Recevez


a Voyez t. VI, p. 160 et 166.

b Voyez ci-dessus, p. 100, 102 et 159.