<315>gueuses qui entraînent les hommes dans toutes sortes d'égarements. Que V. A. R. ne m'accuse pas d'adopter le style mystique du prince de Würtemberg. Quoique plus âgé que lui, je suis bien loin de pousser l'austérité et le rigorisme aussi loin que lui. Mes réflexions naissent de mon attachement au bien de l'humanité; les siennes sont celles d'un cénobite.

Je sais, à propos de cénobite, combien le saint-père se trouve gêné dans les mesures qu'il voudrait prendre en faveur des jésuites; il faut respecter son embarras et s'accommoder au temps. Cependant, madame, comme il y a des accommodements avec le ciel,a il y en a aussi avec la cour de Rome, et l'on trouvera le moyen, avec quelques modifications, de conserver une compagnie dont les catholiques de mes États ne sauraient se passer sans des inconvénients fâcheux pour leur religion. Je plains le confesseur de V. A. R. de ne pas avoir eu la consolation de voir, avant de mourir, les restes de son ordre réconciliés et réinstitués. Il viendra à présent rendre compte à saint Pierre et à saint Ignace de sa gestion de conscience, et je me représente l'étonnement de ces bons saints, qui lui diront : Comment donc! écureur d'âmes, vous n'avez eu rien à écurer? et lui qui leur répondra : Si vous connaissiez à fond ma pénitente, vous avoueriez, tout grands saints que vous êtes, que vous n'auriez eu que des bénédictions à donner. On fêtera son arrivée en paradis, et l'on boira en vin de Hongrie ou de Champagne la santé de sainte Antonia. Pour moi, je la bois ici sur terre, et je n'en dis rien. V. A. R. pourrait me ranger dans la classe de nos anciens pères, qui ne négligeaient aucune occasion pour boire; ce n'est pourtant pas par ce motif, mais bien par une suite de l'attachement et de l'admiration avec laquelle je suis, etc.


a Voyez ci-dessus, p. 196.