<309>quêtes? Se dit-il jamais : J'ai mis les passions des hommes en jeu, et j'ai su les guider à mon but, parce que j'étais plus habile, plus ferme qu'eux, et parce que la force supérieure de mon esprit entraînait le leur? Peu de héros ont été autre chose que des empiriques; ils ont éprouvé les effets, sans jamais remonter aux causes. Il était réservé au plus grand d'entre eux, à celui qui, sans précepteur, se doit tout à lui-même, de joindre le raisonnement le plus profond à l'exécution la plus prompte, de voir et de développer à son gré, dans les hommes, ces étincelles cachées, également propres, selon les différentes impulsions qu'elles ont reçues, à fertiliser nos campagnes et à faire gronder l'orage sur nos têtes. Vous savez, Sire, que je crains les orages; détournez toujours la foudre, et dissipez les nuages, s'il s'en élève encore.

V. M. me demande mon sentiment sur le pape. Ce n'est pas à l'humble brebis de juger son pasteur; il me semble néanmoins qu'il s'annonce avec sagesse. Les jésuites, sans doute, ne se relèveront pas de leur chute; leurs dépouilles étant partagées, qui se chargerait de les revêtir? Mais au moins pourront-ils être traités avec plus de douceur, et, si j'ose dire, avec plus de justice. On ne leur enviera plus peut-être leur dernier asile. V. M. leur en a ouvert un bien glorieux pour le protecteur qui se met ainsi au-dessus du préjugé. J'y reconnais encore ce roi philosophe qui sait que dans la condition humaine tout est médiocre, qu'un système constant de grands crimes dans une société est aussi rare, pour ne pas dire impossible, qu'une suite non interrompue de grandes vertus, et que l'homme est plus fait pour être compati que pour être condamné. Je n'ignore pas, Sire, qu'avec V. M. j'ai besoin d'un sentiment semblable. Accordez toujours votre indulgence à la haute estime et à l'admiration avec laquelle je suis, etc.

Mon très-révérend, bien sot, mais très-excellent confesseur, le