<239> Schwedta est également décampé sans dire gare à personne. J'ai ici une visite du comte Hoditz,b qui est l'Arioste moderne, non pas pour la versification, mais pour mettre en action et représenter réellement chez lui ce que cet aimable fou de poëte avait si ingénieusement imaginé. Ce comte Hoditz a l'imagination la plus féconde pour produire des fêtes aussi élégantes que galantes. Il a trouvé ici quelques personnes qui avaient assisté à celles que l'impératrice de Russie a données à mon frère, et il n'a pu cacher son dépit de ce que Pétersbourg avait surpassé Rosswalde.

Je fais mille remercîments à V. A. R. de la médaille de Gellert, qu'elle a la bonté de m'envoyer. Le défunt l'a méritée, car, dans le genre qu'il avait embrassé, il a été le plus parfait de nos auteurs allemands. J'ai, madame, le bonheur de me rencontrer avec vous; je suis très-persuadé qu'il ne faut point d'ostentation et d'appareil pour la morale; la simplicité et la vérité lui suffisent. J'irais ainsi plutôt aux sermons de Gellert qu'à ceux du prince de Würtemberg, apôtre sans mission. Tout ce qui est outré excède nos forces; il n'y a qu'un certain milieu qui convient à l'humanité.

Je fais mille vœux, madame, pour le succès du voyage que V. A. R. projette d'entreprendre; je prie et implore Apollon, dieu de la médecine, les Muses et les Grâces, vos compagnes, de veiller sur vos jours précieux; qu'ils nous conservent longues années le plus bel ornement de nos princesses, et que cette grande princesse daigne se souvenir quelquefois du plus fidèle de ses adorateurs, qui est et qui sera jusqu'au tombeau, avec la plus haute estime, etc.


a Le margrave Frédéric, mort à Wildenbruch le 4 mars 1771. Voyez t. V, p. 73.

b Voyez ci-dessus, p. 177.