<207> me mande le baron de Pöllnitz doit vous dédommager, Sire, de cette inquiétude. Rien ne pouvait me causer plus de joie, non seulement parce que je vous l'ai un peu prédit, comme V. M. se le rappellera, car enfin le don de prophétie est celui de tous les talents dont je me passerais le plus aisément, mais surtout parce que cette chère princesse, qui va soutenir les espérances de votre maison, est une parente respectable à laquelle je m'intéresse plus que je ne puis le dire. Que ne puis-je être témoin oculaire, Sire, de vos fêtes et de votre satisfaction! Que ne puis-je être à vos pieds! Non, jamais je n'oublierai les heureux moments que j'ai passés près de vous; jamais je ne serai satisfaite que lorsque vous me permettrez de jouir derechef du même bonheur. C'est l'objet de tous mes vœux, l'objet de tous mes désirs; et si je ne puis, comme je le voudrais, passer ma vie à vous voir et vous entendre, au moins vous ne cessez un instant d'être présent à mon cœur. Pénétrée de reconnaissance et du plus inviolable, je n'ose dire du plus tendre attachement pour vous, que ne vous vois-je encore conduisant les affaires de l'Europe, répandant le bonheur sur vos sujets, et éclairant l'humanité par la philosophie que vous avez placée sur le trône dans le moment de vos amusements, qui à peine effleurent votre âme!

Avec tout autre prince que V. M., je prendrais mal mon temps en lui envoyant un traité de moralea pendant le carnaval; cependant en voici un de notre pauvre Gellert.b Je l'avais promis à V. M. Il vient de mourir fort regretté et fort digne de l'être. Il n'était pas seulement un fabuliste, il s'élevait plus haut; il était sage, honnête, juste, et il enseignait aux autres à l'être. Voilà ses droits pour être


a Il s'agit probablement ici d'un manuscrit du cours de morale de Gellert à l'usage de la jeunesse académique, que l'électeur de Saxe avait demandé à l'auteur. Voyez C. F. Gellerts sämmtliche Schriften. Nouvelle édition. Leipzig, 1775, t. X, p. 162. Ses Moralische Vorlesungen ne parurent qu'en 1771. Voyez t. VII, p. 108, et t. XVIII, p. 222 de notre édition.

b Le nom de Gellert est omis dans l'autographe. Cet écrivain, né le 4 juillet 1715, mourut le 13 décembre 1769.