<168> Peut-être, madame, que tout ceci n'est pas théologiquement orthodoxe; mais daignez vous souvenir que je ne suis pas de ceux que le Saint-Esprit daigne inspirer, et que je ne raisonne que selon les facultés d'une raison dépravée. Cette raison, très-suffisante pour la conduite ordinaire, ne l'est pas assez pour des matières surnaturelles, incompréhensibles autant qu'inintelligibles. J'attends donc en silence ce qui arrivera de mon confrère l'excommunié, et c'est au Saint-Esprit, qui a dicté l'excommunication, à sauver le saint-siége des affaires qu'elle lui attirera.

V. A. R. a bien raison de dire qu'il semble que l'homme soit né l'ennemi de son repos; c'est qu'il a reçu un esprit d'inquiétude qui le rend mécontent du présent, et lui figure un bonheur imaginaire dans l'avenir. Les hommes ont été tels dans tous les siècles, ce qui a donné lieu à ces révolutions fréquentes et à ces changements continuels dans les États. Ces Génevois ont cependant réduit leurs magistrats à entrer en composition avec eux; leur fermeté, ou bien leur obstination rigoureuse, l'a emporté même sur ceux qui s'étaient chargés de l'arbitrage de leurs différends. Ils ont déclaré qu'ils mettraient plutôt le feu à leur ville, et s'enseveliraient sous ses ruines, que de céder à leur conseil; et comme c'étaient des forcenés capables d'exécuter ces menaces, l'amour de la patrie a prévalu, et les magistrats ont mieux aimé céder aux prétentions du peuple que de contribuer à la ruine de leur république.

Je commence à croire que l'épidémie de cette inquiétude s'est communiquée à mon esprit, car je sens, comme les Génevois, qu'il manque quelque chose au contentement de mon cœur : c'est le portrait illustre d'une grande princesse qui avait eu la bonté de me le promettre, et dont je voulais orner ma chambre, pour lui rendre un culte religieux et dire au moins à cette toile ce que la modestie de l'original m'empêche de lui exprimer. Si V. A. R. connaît cette princesse, je la supplie de la faire ressouvenir de ce qu'elle a daigné