<167> n'avez, madame, rien à craindre que les stoïciens trouvent de nos jours autant de disciples qu'ils en eurent autrefois; le public est généralement plus porté pour les maximes d'Épicure mal expliquées, et, supposé que les stoïciens m'eussent rangé sous leur loi, je crois que les arts et les sciences n'auraient pas raison de regretter beaucoup la perte d'un dilettante, d'un amateur comme moi. Il est certain que pour qui aurait le bonheur de vivre, madame, dans les endroits que vous habitez, aurait de la peine à convenir qu'il n'y ait pas du bonheur à vous entendre, et du malheur à être privé de votre présence; Caton même avouerait que c'est un mal réel de vivre loin des personnes que la voix publique élève au-dessus des autres. Je ressens cette privation, et je vois que le stoïcisme me serait avantageux pour m'aider à me faire une raison sur ma position actuelle; mais la chair et le sang sont fragiles, et l'homme est plus sensible que raisonnable.a

J'avoue à V. A. R. que j'ai ressenti quelque joie en apprenant que j'ai un nouveau confrère excommunié comme moi; le duc de Parme vient de l'être, et je ne sais pas trop comme la cour de Rome se trouvera d'avoir assez indiscrètement lancé ses foudres jadis si redoutables. Il me semble que les conjonctures ne sont pas favorables à une pareille démarche, et que c'est décréditer une formule soutenue par un crédit idéal de l'employer au moment que ce crédit tombe et s'affaiblit généralement. Les anciens guerriers ont été plus circonspects; car, dès que l'on commença dans les armées à faire usage de la poudre, on abandonna les piques et les autres armes offensives, insuffisantes pour résister aux armes à feu. Selon cette conduite, il me semble que la cour de Rome devrait mettre en ligne de compte les progrès de tant d'ouvrages philosophiques qui répandent la lumière de tous côtés en Europe, et ne pas déclarer son impuissance par des entreprises qui la couvriront de confusion, et décèleront son discrédit.


a Voyez ci-dessus, p. 151.