<152> j'ai eu l'honneur de vous dire au sujet de la durée de la paix, parce que le plus grand nombre de probabilités sont en sa faveur : premièrement, parce que l'Europe relève à peine d'un violent accès de frénésie qui lui a duré sept ans; parce que ceux qui ont pris le titre de grandes puissances ont des bourses vides; parce que, en parcourant les fastes des empires, nous trouvons que, après de longues guerres, il y a toujours eu des pauses de dix à douze ans; et enfin, parce qu'il n'est pas naturel que ceux qui gouvernent soient toujours dans un héroïque délire. Mais, madame, oserais-je vous parler sans feinte? Je remarque que vous me soupçonnez d'avoir l'âme d'un Catilina, d'un Sylla, d'un Cromwell; je me peins à vos yeux, madame, le tison de la discorde d'une main, le glaive d'une autre, attisant la dissension et le tumulte, nageant dans le sang, et ne respirant que la guerre. De grâce, daignez effacer cette fausse image de votre esprit, et voyez-moi tel que je suis, bon diable, quoique hérétique, plein de vénération pour votre personne, ayant peut-être un peu trop aimé la gloire, mais, à présent, affaibli par l'âge, ne conservant plus que le souvenir des passions qui troublèrent ma jeunesse, corrigé par le temps, et détrompé des illusions par l'expérience. Voilà, madame, le fidèle tableau de ce que je suis, et de ce que je veux être. Ceci vous assurera que mes prophéties seront très-pacifiques, à moins que quelque brutal ou quelque ambitieux ne me force de changer de méthode; mais nous n'y voyons aucune apparence pour le présent.

Puissiez-vous, madame, trouver, en attendant, dans ce séjour champêtre de Pillnitz tout ce qui peut contribuer à la sérénité de votre âme et à la tranquillité d'esprit! Puissiez-vous être préservée à jamais des funestes événements qui font souffrir un cœur aussi bon que le vôtre! Ce sont les vœux sincères de celui qui sera à jamais, etc.