<15> fusil ni votre dragée ne portent pas si loin. Patience, patience, c'est le refrain de cet hiver, et qui continue bien longtemps. Adieu, mon cher; portez-vous bien, et faites des vœux pour nous.

10. AU MÊME.

Camp de Seitendorf, 17 juillet 1762.

Vous parlez de mes vers comme s'ils valaient quelque chose; et je vous assure que j'en connais moi-même la faiblesse et les défauts. Quand j'en ai le temps, j'en fais d'un peu moins mauvais. Pour ceux-ci, écrits au milieu de l'agitation, du trouble et des inquiétudes, compagnes des expéditions militaires, ils ne sont bons que pour le moment, et pour flatter la personne à laquelle ils sont destinés. Les femmes n'y prennent pas garde de si près; tous les vers qui leur disent des douceurs sont bons à leurs yeux. Je crois que ceux-ci rempliront le but, n'étant faits que pour plaire, et n'ayant point à soutenir l'examen rigoureux des d'Olivet et des Fréron.

Nous ne faisons que des misères. Je suis honteux de ma campagne; les choses ne prennent pas encore le tour que je souhaiterais, et je crains bien que ce que je vous ai dit cet hiver ne s'accomplisse au pied de la lettre. Nous verrons, le 20 de ce mois,a ce qui en sera. J'ai de la peine à me tranquilliser; Marc-Aurèle et les stoïciens l'emportent quelquefois; mais souvent le naturel prend le dessus, et fait taire la philosophie. Que le ciel nous assiste, et nous donne quelque grand avantage qui achemine enfin les choses à la paix tant souhaitée et si nécessaire! Il reste encore quelque lueur d'espérance de la part


a Le Roi voulait attaquer ce jour-là les Autrichiens, pour les éloigner de Schweidnitz.