<75> Il faut de tous les côtés bannir les projets extravagants, et consulter la raison plutôt que l'imagination. Pour moi, je me conforme à l'exemple du doux Sauveur, qui, lorsqu'il alla la première fois au temple, se contenta d'écouter les pharisiens et les scribes. Ne pensez pas que les Anglais me confient tous leurs secrets; ils ne sont point pressés de s'accommoder; leur commerce ne souffre point, leurs affaires prospèrent, et l'État ne manque ni de ressources, ni de crédit. Je fais une guerre plus dure qu'eux, par la multitude d'ennemis qui m'attaquent, et dont le fardeau est accablant. Cependant je répondrai bien toujours de la fin de la campagne; il est impossible d'en faire autant pour tous les événements. Je suis sur le point de m'accommoder avec les Russes; ainsi il ne me restera que la reine de Hongrie, les malandrins du Saint-Empire, et les brigands de Laponie, pour l'année qui vient. Notre démarche nous a été dictée par le cœur, par un sentiment d'humanité, qui voudrait tarir ces torrents de sang qui inondent presque toute notre sphère, qui voudrait mettre fin aux massacres, aux barbaries, aux incendies et à toutes les abominations commises par des hommes que la malheureuse habitude de se baigner dans le sang rend de jour en jour plus féroces. Pour peu que cette guerre continue, notre Europe retombera dans les ténèbres de l'ignorance, et nos contemporains deviendront semblables à des bêtes farouches. Il est temps de mettre fin à ces horreurs. Tous ces désastres sont une suite de l'ambition de l'Autriche et de la France. Qu'ils prescrivent des bornes à leurs vastes projets; que si ce n'est la raison, que l'épuisement de leurs finances et le mauvais état de leurs affaires les rendent sages, et que la rougeur leur monte au front, en apprenant que le ciel, qui a soutenu les faibles contre l'effort des puissants, a accordé à ces premiers assez de modération pour ne point abuser de leur fortune et pour leur offrir la paix. Voilà tout ce qu'un pauvre lion fatigué, harassé, égratigné, mordu, boiteux et fêlé, vous peut dire. J'ai encore bien des affaires, et je ne pourrai vous écrire