<60>pas de son goût, Candide de même; ils prirent cependant leur mal en patience. Quel plus bel exemple à suivre que celui de ces héros?

Croyez-moi, nos habits écourtés valent vos talons rouges, les pelisses hongroises, et les justaucorps verts des Roxelans. On est actuellement aux trousses de ces derniers, qui, par leur balourdise, nous donnent beau jeu. Vous verrez que je me tirerai encore d'embarras cette année, et que je me délivrerai des verts et des blancs.

Il faut que le Saint-Esprit ait inspiré à rebours cette créature bénite par Sa Sainteté;a il paraît avoir bien du plomb dans le derrière. Je sortirai d'autant plus sûrement de tout ceci, que j'ai dans mon camp une vraie héroïne, une pucelle plus brave que Jeanne d'Arc. Cette divine fille est née en pleine Westphalie, aux environs de Hildesheim. J'ai de plus un fanatique venu de je ne sais où, qui jure son Dieu et son grand diable que nous taillerons tout en pièces.

Voici donc comme je raisonne. Le bon roi Charles chassa les Anglais des Gaules à l'aide d'une pucelle; il est donc clair que, par les secours de la mienne, nous vaincrons les trois dames; car vous savez que, dans le paradis, les saints conservent toujours un peu de tendre pour les pucelles. J'ajoute à ceci que Mahomet avait son pigeon, Sertorius sa biche, votre enthousiaste des Cévennesb sa grosse Nicole, et je conclus que ma pucelle et mon inspiré me vaudront au moins tout autant.

Ne mettez point sur le compte de la guerre des malheurs et des calamités qui n'y ont aucun rapport.

L'abominable entreprise de Damiens,c le cruel assassinat intenté contre le roi de Portugal,c sont de ces attentats qui se commettent en paix comme en guerre; ce sont les suites de la fureur et de l'aveugle-


a Voyez t. IV, p. 253 et 254.

b Jean Cavalier, le principal chef des protestants des Cévennes. On appelait sa prophétesse la grande Marie. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XX, p. 398.

c Le 5 janvier 1707, et le 3 septembre 1738. Voyez t. IV, p. 116 et 204.