<263> vous défendrez votre bien. Vous direz que c'est un plaisir dont vous jouissez pendant votre vie; vous vous faites déjà dans votre esprit une image très-plaisante de la comparaison qu'on fera de vous avec un de vos confrères, par exemple avec Mustapha. Vous riez en voyant ce Mustapha, ne se mêlant de rien que de coucher avec ses odalisques, qui se moquent de lui, battu par une dame née dans votre voisinage, trompé, volé, méprisé par ses ministres, ne sachant rien, ne se connaissant à rien. J'avoue qu'il n'y aura point dans la postérité de plus énorme contraste; mais j'ai peur que ce gros cochon, s'il se porte bien, ne soit plus heureux que vous. Tâchez qu'il n'en soit rien; ayez autant de santé et de plaisir que de gloire, l'année 1773, et cinquante autres années suivantes, si faire se peut; et que V. M. me conserve ses bontés pour les minutes que j'ai encore à vivre au pied des Alpes. Ce n'est pas là que j'aurais voulu vivre et mourir.

La volonté de Sa sacrée Majesté le Hasard soit faite!

462. A VOLTAIRE.

Potsdam, 3 janvier 1773.a

Que Thieriot a de l'esprit,
Depuis que le trépas en a fait un squelette!
Mais lorsqu'il végétait dans ce monde maudit,
Du Parnasse français composant la gazette,
Il n'eut ni gloire ni crédit.
Maintenant il paraît, par les vers qu'il écrit,
Un philosophe, un sage, autant qu'un grand poëte.


a Le 26 janvier 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 185.) Le 3 janvier, Frédéric était à Berlin; le 26 il était à Potsdam.