<163>Pour passer à un sujet plus gai, je vous envoie un Prologue de comédie,a que j'ai composé à la hâte pour en régaler l'électrice de Saxe, qui m'a rendu visite. C'est une princesse d'un grand mérite, et qui aurait bien valu qu'un meilleur poëte la chantât. Vous voyez que je conserve mes anciennes faiblesses; j'aime les belles-lettres à la folie; ce sont elles seules qui charment nos loisirs, et qui nous procurent de vrais plaisirs. J'aimerais tout autant la philosophie, si notre faible raison y pouvait découvrir les vérités cachées à nos yeux, et que notre vaine curiosité recherche si avidement; mais apprendre à connaître, c'est apprendre à douter.b J'abandonne donc cette mer si féconde en écueils d'absurdités, persuadé que, tous les objets abstraits de nos spéculations étant hors de notre portée, leur connaissance nous serait entièrement inutile, si nous pouvions y parvenir.

Avec cette façon de penser, je passe ma vieillesse tranquillement; je tâche de me procurer toutes les brochures du neveu de l'abbé Bazin;c il n'y a que ses ouvrages qu'on puisse lire.

Je lui souhaite longue vie, santé et contentement; et, quoi qu'il ait dit, je l'aime toujours.

410. DE VOLTAIRE.

Ferney, 9 décembre 1769.

Quand Thalestris, que le Nord admira,
Rendit visite à ce vainqueur d'Arbèle,
Il lui donna bals, ballets, opéra,
Et fit, de plus, de jolis vers pour elle.


a Voyez t. XIII, p. 24-27.

b Voyez t. X, p. 109, et t. XXI, p. 233.

c Voltaire avait écrit sous ce pseudonyme une Défense de son Essai sur les mœurs.