<160>gion quand on n'est pas de leur secte. Ces superstitieux coquins ressemblent à la Philamintea des Femmes savantes de Molière; ils disent :

Nul ne doit plaire à Dieu que nous et nos amis.

J'ai dit quelque partb que La Motte Le Vayer, précepteur du frère de Louis XIV, répondit un jour à un de ces maroufles : « Mon ami, j'ai tant de religion, que je ne suis pas de ta religion. »

Ils ignorent, ces pauvres gens, que le vrai culte, la vraie piété, la vraie sagesse, est d'adorer Dieu comme le père commun de tous les hommes sans distinction, et d'être bienfaisant.

Ils ignorent que la religion ne consiste ni dans les rêveries des bons quakers, ni dans celles des bons anabaptistes ou des piétistes, ni dans l'impanation et l'invination, ni dans un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, à Notre-Dame des Neiges, ou à Notre-Dame des Sept Douleurs; mais dans la connaissance de l'Être suprême qui remplit toute la nature, et dans la vertu.

Je ne vois pas que ce soit une piété bien éclairée qui ait refusé aux dissidents de Pologne les droits que leur donne leur naissance, et qui ait appelé les janissaires de notre saint-père le Turc au secours des bons catholiques romains de la Sarmatie. Ce n'est point probablement le Saint-Esprit qui a dirigé cette affaire, à moins que ce ne soit un saint-esprit du révérend père Malagrida,c ou du révérend père Guignard,c ou du révérend père Jacques Clément.

Je n'entre point dans la politique qui a toujours appuyé la cause de Dieu, depuis le grand Constantin, assassin de toute sa famille, jusqu'au meurtre de Charles Ier, qu'on fit assassiner par le bourreau, l'Évangile à la main. La politique n'est pas mon affaire; je me suis tou-


a C'est Armande, et non Philaminte qui dit, dans Les Femmes savantes de Molière, acte III, scène II :
     

Nul n'aura de l'esprit, hors nous et nos amis.

b Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLIII, p. 513.

c Voyez t. XV, p. 181.