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Laissez calmer cette tempête;
Attendez qu'à Berlin, sur les débris de Mars,
La paix ramène les beaux-arts.
Pour faire enfler les sons de ma tendre musette.
Il faut que la fin des hasards
Impose le silence au bruit de la trompette.

Je vous renvoie bien loin peut-être; cependant il n'y a rien à faire à présent, et d'un mauvais payeur il faut prendre ce qu'on peut.

Je lis maintenant, ou plutôt je dévore votre Siècle de Louis le Grand. Si vous m'aimez, envoyez-moi ce que vous avez fait ultérieurement de cet ouvrage; c'est mon unique consolation, mon délassement, ma récréation. Vous qui ne travaillez que par goût et que par génie, ayez pitié d'un manœuvre en politique, et qui ne travaille que par nécessité.

Aurait-on dû présumer, cher Voltaire, qu'un nourrisson des Muses dût être destiné à faire mouvoir, conjointement avec une douzaine de graves fous que l'on nomme grands politiques, la grande roue des événements de l'Europe? Cependant c'est un fait qui est authentique, et qui n'est pas fort honorable pour la Providence.

Je me rappelle, à ce propos, le conte que l'on fait d'un curé à qui un paysan parlait du Seigneur Dieu avec une vénération idiote : « Allez, allez, lui dit le bon presbyte, vous en imaginez plus qu'il n'y en a; moi qui le fais et qui le vends par douzaines, j'en connais la valeur intrinsèque. »

On se fait ordinairement dans le monde une idée superstitieuse des grandes révolutions des empires; mais, lorsqu'on est dans les coulisses, l'on voit, pour la plupart du temps, que les scènes les plus magiques sont mues par des ressorts communs, et par de vils faquins qui, s'ils se montraient dans leur état naturel, ne s'attireraient que l'indignation du public.

La supercherie, la mauvaise foi et la duplicité sont malheureuse-