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On l'entend en tous lieux, cette fatale voix
Qui déjà sur le trône étonne tous les rois.
« Du sein de l'indolence éveillez-vous, dit-elle;
Monarques, paraissez, Frédéric vous appelle;
Voyez, il a couvert, au milieu des hasards,
Les lauriers d'Apollon du casque du dieu Mars.
Sa main, dans tous les temps noblement occupée,
Tient la lyre d'Achille et porte son épée;
Il pouvait mieux que vous, dans un loisir heureux,
Cultiver les beaux-arts et caresser les jeux;
Sans sortir de sa cour il eût trouvé la gloire,
Le repos eut encore ennobli sa mémoire.
Mais des bords du Permesse il s'élance aux combats,
Il brave les saisons, il cherche le trépas;
Et vous, vous entendez, sans que rien vous alarme,
Ou les rêves d'un bonze, ou les sermons d'un carme;
Vous allez à la messe, et vous en revenez.
Végétaux sur le trône à languir destinés,
N'attendez rien de moi; mes voix et mes trompettes
Pour des rois endormis sont à jamais muettes;
Ou plutôt, vils objets de mon juste courroux,
Rougissez et tremblez, si je parle de vous. »
Ainsi la Renommée, en volant sur la terre,
Célébrait le héros des arts et de la guerre;
Vous, enfants d'Apollon, par sa voix excités,
Perroquets de la gloire, écoutez et chantez.

Ah! Sire, les honneurs changent les mœurs; faut-il, parce que V. M. se bat tous les jours contre de vilains hussards auxquels elle ne voudrait pas parler, et qui ne savent pas ce que c'est qu'un vers, qu'elle ne m'écrive plus du tout? Autrefois elle daignait me donner de ses nouvelles, elle me parlait de sa fièvre quarte; à présent qu'elle affronte la mort, qu'elle prend des villes, et qu'elle donne la fièvre continue à tant de princes, elle m'abandonne cruellement. Les héros sont des ingrats. Voilà qui est fait, je ne veux plus aimer V. M. Je me contenterai de l'admirer. N'abusez pas, Sire, de ma faiblesse. On