<297> le désordre où j'ai laissé mes affaires, comptant passer deux mois à vos pieds, je souffre, depuis cinq mois, sans le dire, la saisie de tous mes revenus à Paris. Cependant on m'a fait passer auprès de V. M. pour un homme bassement intéressé. Voilà pourquoi, Sire, j'avais prié Darget de se jeter pour moi à vos pieds, et de vous supplier de supprimer ma pension; non pas assurément pour rejeter vos bienfaits, dont je suis pénétré, mais pour convaincre V. M. qu'elle est mon unique objet. Suis-je venu chercher ici de l'éclat, de la grandeur, du crédit? Je voulais vivre dans une solitude, et admirer quelquefois votre personne et vos ouvrages, travailler, souffrir patiemment les maux où la nature me condamne, et attendre doucement la mort. Voilà ce que je désire encore. Je ne serai pas plus solitaire auprès de Potsdam que dans votre palais de Berlin. Si Darget vous a parlé des prières que j'osais vous faire pour cet arrangement, je vous supplie, Sire, de les oublier, et de me pardonner les propositions que j'avais hasardées. Je vivrai très-bien auprès de Potsdam, avec ce que V. M. daigne m'accorder. J'y resterai, sous le bon plaisir de V. M., jusqu'au printemps, et alors j'irai faire un tour à Paris pour mettre un ordre certain pour jamais dans mes affaires. J'ose me flatter que l'assurance de ne pas déplaire à un grand homme pour qui seul je vis, je sens et je pense, adoucira la maladie dont je suis tourmenté, laquelle demande du repos, et surtout la paix de l'âme, sans quoi la vie est un supplice. Permettez-moi donc, Sire, d'aller m'établir au Marquisat jusqu'au printemps; j'irai dans quelques jours, dès que la lie du procès sera bue, et que tout sera fini. Voilà la grâce que je supplie V. M. de daigner faire à un homme qui voudrait passer à vos pieds le peu de jours qui lui restent.

J'avais, Sire, minuté cette lettre, pour la transcrire d'une manière plus respectueuse; mais mes souffrances ne me permettent pas de la recommencer, et j'espère que V. M. aura assez de compassion de mon accablement pour daigner recevoir ma lettre avec bonté, dans l'état