<226> tout temps, et que, avec toute l'algèbre du monde, on n'est souvent qu'un sot, lorsqu'on ne sait pas autre chose. Peut-être dans dix ans la société tirera-t-elle de l'avantage des courbes que des songe-creux d'algébristes auront carrées laborieusement. J'en félicite d'avance la postérité; mais, à vous parler vrai, je ne vois dans tous ces calculs qu'une scientifique extravagance. Tout ce qui n'est ni utile ni agréable ne vaut rien. Quant aux choses utiles, elles sont toutes trouvées; et, pour les agréables, j'espère que le bon goût n'y admettra point d'algèbre.a

Je ne vous enverrai plus ni prose, ni vers. Je vous compte ici au commencement de juillet, et j'ai tout un fatras poétique dont vous pourrez faire la dissection; cela vaut mieux que de critiquer Crébillon ou quelque autre, où certainement vous ne trouverez ni des fautes aussi grossières, ni en aussi grand nombre, que dans mes ouvrages.

Il n'y a que des chardons à cueillir sur les bords de la Néwa, et point de lauriers. Ne vous imaginez point que j'aille là pour faire mon bonheur; vous me trouverez ici, pacifique citoyen de Sans-Souci, menant la vie d'un particulier philosophe.b

Si vous aimez à présent le bruit et l'éclat, je vous conseille de ne point venir ici; mais si une vie douce et unie ne vous déplaît pas, venez, et remplissez vos promesses. Mandez-moi précisément le jour que vous partirez; et, si la marquise du Châtelet est une usurière, je compte de m'arranger avec elle pour vous emprunter à gages, et pour lui payer par jour quelque intérêt qu'il lui plaira pour son poëte, son bel esprit, son ...., etc.

Adieu; j'attends votre réponse.


a Voyez t. XIX, p. 360 et 361; t. XXI, p. 169; et ci-dessus, p. 206.

b Voyez t. X, p. v.